Parce que l’étrangeté figurative déconcerte, elle est souvent reléguée au rang des bizarreries qu’on préfère tenir à distance. Énoncée sous de multiples formes, elle témoigne d’un imaginaire fécond où « fantasme » et « fantasmagorie » se conjuguent pour donner l’impulsion à une iconographie particulièrement déroutante et entêtante. En revisitant l’histoire de l’art classique et moderne, une telle iconographie se donne également à voir sous d’autres formes dévoilant des imaginaires complexes, débridés et tourmentés dont les figures, souvent rejetées par quelques contemporains, conservent aujourd’hui encore une opacité sémantique saisissante. Par exemple, Jérôme Bosch n’hésite pas à entrecroiser les images fantasmatiques inspirées, entre autres, des bestiaires antiques et médiévaux avec celles de la scientificité de la Renaissance. Dans une perspective proche, Francisco Goya expose un imaginaire travaillé par la maladie, les angoisses et les cauchemars, peuplé de démons et d’hommes aux visages déformés et aux postures animales. Dans un style certes différent de Bosch ou de Goya, les images alchimiques font également voir des figurations singulières où des formes mimétiques convenues côtoient des figures insolites. Loin de la description d’un monde fantasmagorique, les images alchimiques nous montrent non pas l’état émotionnel de leurs auteurs, mais la nature complexe de l’art que les alchimistes pratiquent. Ces représentations étant tributaires de connaissances très spécifiques, leurs analyses par des théoriciens du visuel sont plus rares, moins approfondies, et surtout, elles négligent l’aspect parfois déconcertant des figures représentées. |