Dès le dernier tiers du xve siècle, un nouveau genre de publication dissémine un éventail de petits textes en langue française, dont il permet une circulation à une échelle inédite : les pièces gothiques. Ce sont des livrets à bon marché, imprimés en caractères gothiques tout au long du xvie siècle. Précurseurs du « livre populaire », beaucoup de ces brochures sont des ouvrages de catéchèse rudimentaire, des vies de saints, des pronostications, des recueils de recettes médicales, ainsi que des textes qui, relevant du folklore, fleurissaient jusqu'à Rabelais, à savoir des sotties, des farces qui mettent en scène la vie quotidienne, ou encore des textes parodiques et satiriques aux sujets scatologiques et misogynes. D'autres apparaissent comme les ancêtres de notre presse d'information en colportant des « nouvelles » sur l'actualité politique, militaire ou prodigieuse. Au-delà des savoirs qu'elles divulguent, les pièces gothiques constituent des vecteurs de normes et de valeurs qui concourent à façonner l'opinion, l'âme et le comportement de leurs lecteurs et auditeurs. Elles contribuent ainsi au développement et au fonctionnement de deux structures indispensables et complémentaires à l'État moderne : celle de la légitimation idéologique et celle de l'opinion. À partir de l'étude minutieuse des 2 200 pièces gothiques environ qui ont pu être recensées, ce livre retrace l'histoire complète, dans le temps et dans |