démontré que l’utopie n’a rien à faire avec la réalité historique, l’utopie n’aurait plus d’intérêt, désormais, que pour l’histoire littéraire : on pourrait en dresser le bilan comme d’une forme du passé sans songer à en poursuivre la tradition, de toute façon épuisée, ni la renouveler. Mais la vogue actuelle de la contre-utopie est-elle vraiment le symptôme d’une société malade qui ne saurait plus éprouver d’enthousiasme ? Les contre-utopies n’ont-elles pas quelque chose à nous apprendre sur l’utopie elle-même, et sur l’ambiguïté fondamentale du genre depuis ses origines ? Enfin n’observe-t-on pas aujourd’hui, en réplique au catastrophisme présent, un renouveau de l’imaginaire utopique dans la littérature et les arts, dont les formes et les enjeux restent à comprendre ? À rebours des discours critiques ou mélancoliques, ce numéro de La Licorne examine cinq siècles d’histoire d’un genre bien plus divers et ambigu qu’on ne le croit souvent. Montrant les zones d’ombre des utopies classiques et la résistance de l’élan utopique au cœur des textes contemporains les plus sombres, les articles rassemblés ici invitent à redécouvrir un imaginaire critique dont on ne saurait concevoir, même et surtout en ces temps de catastrophe, l’épuisement. |