Réda marche, qui s’en étonnerait ? Il s’engage dans une rue — la première venue est toujours la bonne —, tombe sur une impasse, rebrousse chemin, s’arrête pile pour suivre des yeux le jeu des nuages, peste contre les automobilistes, remonte un boulevard, échange quelques mots avec un passant, emprunte une ruelle, tombe en arrêt devant une vitrine de jouets anciens, remonte un boulevard, achète La Vie du rail. Ses pas composent ainsi un jardin aux sentiers qui bifurquent. Peu lui importe de se perdre : on est toujours perdu. Le fil d’Ariane, celui que le critique voudrait lui nouer à la patte, pour pouvoir le suivre — le filer —, il l’arrache aussitôt, avec impatience. Que cherche-t-il ? Il ressemble à un homme qui aurait perdu quelque chose et qui n’aurait de cesse de le retrouver. Mais voilà, et c’est une difficulté de taille, il ne sait plus ce qu’il a perdu. Peut-être même, cet objet, l’a-t-il aperçu, pris en main, puis rejeté. C’est ainsi que dans les contes le héros croise la bonne fée sans lui accorder plus d’importance qu’à une personne ordinaire et ne se rend compte qu’après de sa méprise. Trop tard ! Aussi est-il un écrivain mélancolique, c’est-à-dire un artiste condamné à chercher inlassablement un objet perdu sans remède. Sans autre remède, en tout cas, que de continuer à lancer sa phrase à l’aveuglette, une phrase, puis une autre, et une autre encore. Chacune vient s’enrouler autour de ce centre absent. Cette recherche |