Entre 1907 et 1930, Edward S. Curtis publie les vingt volumes de son encyclopédie pictorialiste, The North American Indian, où dialoguent des propositions iconographiques et idéologiques souvent concurrentes, oscillant entre éthos assimilationniste et primitiviste. Au carrefour de différents régimes de visibilité — l’art, la science, le patrimoine, la surveillance et le spectacle — le photographe teste les représentations de l’autochtonie héritées du XIXe siècle à l’épreuve des schémas identitaires émergents, dans des images et contre-images qui traduisent les ambivalences de la rationalité coloniale et le statut politique incertain des Amérindiens. Érigeant la disparition en enseigne rhétorique de son grand œuvre, Curtis bâtit un monument paradoxal, entre commémoration et oubli. Le présent ouvrage propose d’interroger ces conflictualités et d’analyser les enjeux historiographiques, éditoriaux, socio-politiques, mémoriels, épistémiques et méta-photographiques du pictorialisme ethnographique de Curtis, en envisageant The North American Indian comme un laboratoire des codes et des identités, un dispositif d’(in)visibilisation des populations amérindiennes, un lieu de mémoire hanté |