Les Kanaks de Maré, aux îles Loyauté, mobilisent l’ensemble de leurs forces productives et leur imaginaire pour cultiver des ignames et, à travers ces plantes, des relations sociales. Ils trouvent dans la production agricole les formes originales d’une idéologie qui place un cadet sous l’autorité inflexible d’un aîné. En même temps que celui-ci recouvre la dette matérielle qui pèse dès l’enfance sur son cadet, il exerce un droit prioritaire de parole. Sur cette île, où les activités champêtres ne sont pas toujours paisibles, la loi qui ordonne les prises de parole masculines est la même qui ordonne les prestations cérémonielles d’ignames dans la chaîne des fratries lignagères et claniques, en dernier lieu dans celle de la chefferie. Et ces hommes, en quête d’honneur et de renom, tatillons sur les règles oratoires qui définissent leur position dans la fratrie clanique, n’accordent que peu d’intérêt à d’autres civilités, discrètes mais tout aussi savantes, que les femmes ont inventées pour coopter les nouvelles épouses appelées à les rejoindre. Celles-ci échappent ainsi à la rigueur de la loi qui |