L’histoire de la poésie semble toujours devoir passer par les mêmes étapes : (auto)censure, condamnation, procès, révision et réhabilitation. Autant de tentatives – jamais totalement abouties – pour en faire une Poésie proscrite. De Platon à nos jours, la raison discursive et juridique a trop souvent cherché à réduire la poésie au silence, voire à l’animalité. Or, c’est à partir de son procès, de sa proscription même, que la poésie peut mieux faire entendre sa résistance singulière, en un sens et en un lieu qui restent toujours à refaire. Poésie proscrite se propose de réexaminer à nouveaux frais les dossiers des procès, tant juridiques que métaphoriques, qui, du xviie jusqu’à nos jours, visèrent Théophile de Viau, André Chénier, Charles Baudelaire, André Breton et Louis Aragon. Par-delà les poètes incriminés, ces procès sont aussi ceux de la poésie elle-même. Or celle-ci, face à la raison de la Loi, n’hésite pas à faire entendre ses propres droits, ses propres lois. Parallèlement, l’étude de la réception de ces procès aux xixe et xxe siècles illustre bien leurs enjeux toujours renouvelés. Au cœur de cette proscription de la poésie se trouve une mésentente, foncière et fondatrice, sur la nature même du langage. Prendre la mesure de cette mésentente se révèle alors d’une importance capitale pour une bonne compréhension de ce qu’a été la politique culturelle du xxe siècle. |