En passe de s'affirmer comme le centre mondial de la production des savoirs sur l'Antiquité, l'Allemagne devint aussi, à la fin du XVIIIe siècle, la patrie d'un mythe tout à fait singulier, auquel certains ont donné le nom de « mythe grec » allemand. Les Allemands – telle est l'idée qui préside, dans l'Allemagne savante et littéraire d'alors, à la formation du Griechenmythos – sont reliés aux anciens Hellènes par une « affinité élective », une parenté spirituelle idéale, qui fait d'eux les Grecs de l'époque moderne. Ce motif, qui perdure jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, instaure un dialogue, multiforme et sans cesse reconduit, entre le passé grec que l'on ambitionne de reconstituer et le présent de l'Allemagne, cette nouvelle Hellade que l'on aspire à édifier. Il revêt, dans le même temps, une place et une signification essentielles dans l'imaginaire de la communauté des hellénistes. Laboratoire où se forme et se réinvente, de l'époque néo-humaniste jusqu'à la fin de la période nationale-socialiste, la croyance en l'affinité gréco-allemande, la science de l'Antiquité fait du mythe grec le miroir de son originalité et le support de ses ambitions idéales. |