Cinquième pilier de la foi musulmane, le pèlerinage à La Mecque (ḥajj) attire chaque année, depuis le VIIe siècle, des milliers de musulmans vers les villes saintes du Hedjaz. Manifestation unitaire et identitaire du monde musulman, le ḥajj semble à première vue n’entretenir que des rapports lointains avec une Europe qui dispose à Rome, à Jérusalem ou encore à Saint-Jacques de Compostelle de ses propres lieux de pèlerinage. Et pourtant, à la suite de la colonisation d’une grande partie du monde musulman, les puissances impériales européennes ont, de leur propre initiative ou poussées par les événements, fait le choix d’une ingérence croissante dans l’organisation du pèlerinage à La Mecque. Qui oserait imaginer que des voyageurs britanniques, français, hollandais, russes, italiens et, dans une moindre mesure, autrichiens et espagnols, déguisés en émir alépin en médecin afghan, ont franchi, parfois au péril de leur vie, le périmètre sacré interdit aux infidèles, là où les Musulmans des empires pouvaient se voir refuser, pour des raisons sanitaires ou politiques, d’accomplir leur devoir religieux ? Qui se douterait encore aujourd’hui qu’Aristide Briand ou Benito Mussolini, à l’instar des sultans mamelouks ou des califes |