La recherche universitaire répugne souvent à s’emparer d’œuvres trop récentes ; la tâche est, il est vrai, doublement délicate. Délicate d’abord parce que l’analyse, qui se construit habituellement dans un rapport de distance entre l’objet analysé et le sujet analysant, s’élabore ici dans une sorte de rapport immédiat et direct entre l’écriture et sa réception. Le principe même du colloque ajoute encore à la difficulté de la tâche en autorisant la confrontation auteur-critique ; alors que le premier considère l’œuvre comme intention de création, le second l’envisage déjà comme un objet d’interprétation. L’écart ontologique qui résulte de cette rencontre improbable peut alors se résoudre en confrontation stérile. Isabelle Hausser se prête à l’exercice en évitant précisément ce piège ; elle abandonne sans ciller l’interprétation à ses lecteurs, préférant nourrir de ses commentaires la dialectique création-réception : toujours attentives aux interprétations que suscite son œuvre, ses interventions alimentent le rapport tensif entre création et réception, en laissant au critique la liberté même de sa lecture. L’œuvre d’Isabelle Hausser n’en semble que plus résolument moderne, de son temps, du nôtre. Moderne donc parce qu’ouverte, ouverte sur le monde moderne qui l’inspire, ouverte quant aux procédés d’écriture auxquels elle recourt, ouverte par les genres et les tonalités qu’elle traverse, ouverte encore par ses fins mêmes, ouverte enfin par les pistes qu’elles suggèrent avec d’autres arts ou d’autres imaginaires. Loin des modes éphémères, le roman haussérien méritait donc ce premier colloque universitaire, « Imaginaire et écriture dans le roman haussérien ». |