Placé sous l’invocation de Montaigne, le présent volume est le quatrième ouvrage collectif offert aux lecteurs par les membres du Groupe de Recherches « Les écrits du for privé en France de la fin du Moyen Âge à 1914 » (www.ecritsduforprive.fr). Cet ensemble d’écrits ordinaires – mémoires, autobiographies, livres de famille ou de raison, diaires, journaux intimes, chroniques ou annales – se développe en Europe de la fin du Moyen Âge à l’époque moderne, pour devenir un mode courant d’expression au cours des XIXe et XXe siècles. Ils sont parfois nommés écrits « personnels » ou écrits « intimes » et certains d’entre nous utilisent aussi, pour les désigner, le terme très significatif d’ego-documents. Celui-ci renvoie fortement à l’idée que l’écriture de ces textes n’est pas seulement une pratique qui pourrait être mise à distance par les scripteurs, mais qu’elle influe profondément sur la fabrique même de la vie. Une relation puissante existe, en effet, entre de tels textes et l’idée que l’homme occidental disposerait en lui-même d’un espace de réflexion intérieure qui est généralement appelé le « moi » ou le « soi ». Lorsqu’il aborde un texte donné, le chercheur sait donc qu’il part à la rencontre d’une individualité, celle du scripteur, dont il va chercher à explorer, à travers ses écrits, non seulement les intentions apparentes dans les actions, ou affleurantes dans le langage, mais également les mécanismes de la pensée qui le constituent comme un individu au sein d’une société donnée. À travers un ensemble d’études de cas qui courent du Moyen Âge au début du XXe siècle, nous avons ainsi souhaité explorer la relation complexe qu’entretient ego avec lui-même et son monde social, et ce à travers le prisme de ses écrits privés. |