En tant que conception politique déterminant l’ensemble des relations extérieures d’un État, la neutralité est un phénomène récent. Ce n’est qu’à partir de la garantie de la « neutralité perpétuelle » par le Congrès de Vienne que la Confédération helvétique peut affirmer une véritable vocation à la neutralité. Mais cette dernière a pris corps auparavant, à partir des menaces que représentèrent les guerres européennes du XVIIe siècle pour la cohésion des ligues suisses. Par ailleurs, du XVe au XVIIIe siècle, un peu partout en Europe, des acteurs très différents tentent de limiter l’impact des guerres par de multiples pratiques de neutralisation. Dans les monarchies, ces pratiques témoignent de l’utilisation par des acteurs subalternes de marges de manœuvre entre leur propre prince et les puissances qui les menacent. Par rapport à une histoire de « la » neutralité au singulier, l’ample horizon géographique et chronologique dans lequel sont étudiées ces neutralités, au pluriel, constitue l’originalité du présent volume. Les pratiques de neutralisation, de sauvegarde et d’accommodement en temps de guerre de l’époque moderne sont étudiées dans une perspective européenne, abordant, outre le Corps helvétique, le Saint Empire, les monarchies française et espagnole, ainsi que les espaces maritimes atlantique et méditerranéen. Elles invitent à varier les approches et les points de vue sur plusieurs histoires croisées : histoire de la diplomatie et de la guerre, du pouvoir et de ses limites, histoire aussi des moyens dont disposent les populations pour préserver leurs intérêts jusque sous le régime de l’occupation militaire. |