Les décennies charnières qui s'inscrivent entre le dernier tiers du XIVe siècle et le milieu du XVIe siècle virent s'opérer sur l'ensemble du continent européen de profonds bouleversements sociaux, religieux et culturels, d'où sortirent les fondements du monde actuel. Mais l'Angleterre n'est pas la Russie. Qu'en fut-il entre ces deux pôles, dans cette « Europe médiane » si originale par sa diversité ethnique, sa christianisation tardive et sa position de frontière de l'Occident face à l'Orient byzantin et musulman ? Telle est l'interrogation qui se trouve à l'origine de ce volume et du colloque international qui l'a précédé. On considère souvent que l'Europe centrale, prisonnière de structures archaïques héritées de son passé magyaro-slave et entretenues par une noblesse toute-puissante, solidaire et viscéralement hostile à toute innovation, a manqué le virage de la modernité. Les quatorze contributions réunies dans ce livre démontrent chacune à leur manière l'ineptie de ce raisonnement. Elles ne se contentent pas d'identifier les ferments de renouveau qui, de Hus à Copernic, ont éclos au centre du vieux continent. Revenant sur les présupposés qui entourent les notions de « première modernité » ou de « modèle occidental », elles apportent un éclairage inédit sur les rapports centre-périphérie comme sur les liens entre idéologie, société et culture. On y apprendra ainsi que les nobles autrichiens, polonais, tchèques et hongrois formaient en réalité un groupe social très hétérogène, écartelé jusque dans ses choix vestimentaires entre références occidentales et inspiration orientale. Autre révélation : alors que les expéditions contre les Turcs avaient en Hongrie une dimension nationale et populaire depuis le XVe siècle, ce n'est pas l'idéal de croisade mais l'esprit de tolérance qui soufflait en Pologne, du fait de la présence de païens et d'orthodoxes en Lituanie. On découvrira enfin que l'élite politique et intellectuelle de la Bohême rêva… |