La négociation semble bien être devenue le modèle dominant de régulation des rapports sociaux. Le phénomène juridique n'est pas épargné : pas une de ses branches qui ne témoigne de l'irrésistible ascension du droit négocié. On négocie la loi, tant en amont qu'en aval de son adoption : on négocie le règlement des conflits tant au tribunal qu'en dehors des prétoires. S'il convient donc de prendre l'exacte mesure du phénomène et des transformations qu'il imprime dans l'ordre juridique tout entier, faut-il pour autant céder au mythe du « tout conventionnel » ? Adoptant une méthode critique et interdisciplinaire, le présent ouvrage multiplie les raisons de résister à cette dérive. Au plan sociologique, il souligne la permanence des rapports de force derrière les figures de l'accord et du compromis ; au plan éthique, il rappelle l'impossibilité de nouer le lien social à partir d'un point de vue exclusivement solipsiste ; au plan juridique, il montre combien règle et accord se déterminent réciproquement. De sorte qu'en définitive, c'est un nouvel objet de recherche qui s'est fait valoir – et qui donne son titre à l'ouvrage : l'entrelacement dialectique du droit négocié et du droit imposé. Par ailleurs, la négociation elle-même apparaît dédoublée, oscillant sans cesse entre un pôle idéal (la « délibération ») marqué par la bonne foi et la rationalité procédurale, et un pôle cynique (le « marchandage ») caractérisé par la défiance et le calcul d'intérêt. C'est au carrefour de cette double dialectique de l'autonomie et de l'hétéronomie, de la délibération et du marchandage que ce livre place le droit négocié, éclairé ici par la théorie du droit, les sciences sociales et la doctrine juridique. |