Il peut sembler paradoxal, au moment où l'histoire globale semble conquérir chaque jour un terrain plus vaste, quelle qu'en soit la période, de réfléchir encore à la « nation ». Toutefois, en réponse à une mondialisation vécue comme la dissolution d'entités et d'identités historiques spécifiques et durables, la nation semble ici et là accomplir un retour qui ne pouvait laisser les médiévistes indifférents, tant il est vrai que c'est souvent au Moyen Âge, prétend-on, que les nations modernes se seraient formées. Cependant, le mot « nation » a été à ce point investi de sens nouveaux depuis au moins le xviiie siècle que parler des nations au Moyen Âge suppose un aller-retour permanent entre Moyen Âge et modernité, exige de prêter attention à la manière dont des processus territoriaux, politiques, étatiques et aristocratiques qui appartiennent en propre à l'ethnogenèse médiévale ont été rétroactivement « nationalisés » au sens moral, affectif, guerrier et idéologique du terme. |