Mauvais genre que celui de la satire, qui se complaît à dégrader les valeurs, à outrepasser les tabous, à recourir aux coups les plus bas et à se rire du bon goût pour ridiculiser ses cibles. Mais genre douteux, la satire l’est aussi sur le plan de la théorie littéraire, depuis que la forme générique en vers a périclité au xviiie siècle, laissant le champ libre à des formes mal définies, parasitaires et inventives, aptes à investir - et à subvertir - les genres canoniques : échappant à toute codification, entité fuyante, frondeuse, transgénérique et métamorphique, la satire moderne semble défier les tentatives de conceptualisation critique. Telle est la double raison pour laquelle la satire n’est guère comprise comme une catégorie esthétique. Cet ouvrage collectif vise donc à explorer la satire en tant que mode de représentation littéraire propre, dans un champ allant du déclin du genre jusqu’à l’époque contemporaine. Entre un prologue métacritique et un épilogue réflexif sur la satire de l’Université française, il confronte, à travers des œuvres majeures et mineures, le mode satirique à la poésie, au roman et au théâtre, et il examine des points particuliers à la poétique satirique : les rapports qui lient le satiriste à ses cibles et à ses valeurs, la stabilité et la déstabilisation axiologiques et sémantiques, les perspectives éthiques, la tendance à la réflexivité, le polymorphisme et l’hybridation générique, les rôles de l’ironie et de la parodie marquent les étapes d’une réflexion qui mène à interroger les capacités de mutation du mode au xxe siècle. En proposant un tel parcours, cet ouvrage voudrait contribuer à sensibiliser à la complexité des réalisations et des problématiques de l’art satirique, à diffuser la réflexion qu’il appelle et stimule et ainsi à réhabiliter ce mauvais genre qu’est la satire littéraire moderne. |