Qu'est-ce qu'un artiste industriel ? Quel est le statut de son œuvre au sein de la hiérarchie des arts et face à l'essor de la production mécanique d'objets en série de qualité esthétique incertaine ? Dans la France de la seconde moitié du xixe siècle, les voies de la revalorisation des arts traditionnellement considérés comme « mineurs » sont multiples : action de l'Union centrale, réforme de l'enseignement, accès aux Salons ou conquête du droit à la signature. Mais le rôle de l'artiste industriel devient central surtout grâce à ceux qui, proches de certains courants de la pensée utopique, établissent un lien direct entre la qualité du logement et la « moralité » de l'habitant. C'est seulement après avoir acquis une légitimité esthétique et sociale que les arts « mineurs » deviennent le pivot de la réflexion et de la production des tenants de l'Art nouveau. Parmi eux, une poignée d'architectes, peintres et sculpteurs – l'Art dans Tout – décide, à partir de 1896, de se consacrer exclusivement à l'intérieur, à son organisation, à son ameublement et à son décor. Le groupe entend ainsi réunir « ces prétendus arts majeurs et mineurs » et rendre aux spécialités artistiques « leur dignité d'art populaire ». Convaincu qu'« un intérieur médiocre, banal, au milieu de la laideur, n'est pas […] sans influence sur le développement, sur la culture de la personne intellectuelle ou |