Après le miroir et les clefs, le séminaire du centre d’étude des Textes médiévaux a continué de 2005 à 2007 ses approches de realia, en étudiant deux métonymies animales : les cornes et les plumes. Déplacés sur les figures humaines, ces attributs corporels animaliers deviennent les signes – religieux, politiques, sexuels ou sociaux – d’une identité revendiquée, à conquérir ou à assumer. Loin d’un imaginaire figé, cornes et plumes sont ambivalentes : ainsi les cornes qui sont d’abord une arme et le signe d’une puissance virile, voient leur signification s’inverser en défaillance sexuelle chez le mari cocu. Cornes et plumes sont aussi des objets d’usage : plume à écrire, corne à boire ou corne instrumentale dans laquelle souffler, ces deux dernières souvent inscrites dans des épreuves qualifiantes ou disqualifiantes. La plume comme outil d’envol métaphysique, spirituel ou littéraire tout comme la corne, liée au souffle, au rythme et au temps cosmiques, mettent en jeu l’avènement à une identité ou un changement identitaire. D’où une forte présence comme ingrédient de l’aventure – étymologiquement événement et avènement –, ou de la métamorphose, déclinées dans un registre chevaleresque, courtois, magique, moral, ou mystique. Les unes et les autres assurent aussi volontiers des fonctions de médiation, d’échange et de communication entre deux temps, deux espaces ou deux mondes. Le rapport de la corne et de la plume à la parole, orale ou écrite, en fait des objets productifs sur le plan littéraire et symbolique. Le cor sonne des « mots », un discours au seuil du langage articulé, au lieu où le langage advient comme signal et code à partir de la modulation du souffle. Ce recueil explore ainsi les occurrences, les usages littéraires des cornes et plumes, et les représentations imaginaires qui leur sont associées, des récits arthuriens aux textes allégoriques, de la poésie lyrique aux pratiques carnavalesques des Cornards de Rouen. |